
Tout au long du XIX ème siècle, la Bretagne, nouvelle, primitive et exotique, est un lieu de passage obligé du visiteur romantique : chaque écrivain-voyageur fait son tour de Bretagne, en tire un récit qui deviendra bientôt un livre-guide. A l’époque où Ludovic Guignard de Butteville se rend dans le Finistère, dans la toute fin du XIX ème et au début du XX ème siècle, les circuits touristiques se mettent en place et toutes les grandes villes bretonnes sont désormais reliées à Paris par le chemin de fer.
Guignard de Butteville, archéologue et personnalité locale du Loir-et-Cher, va privilégier, dans la plus pure tradition des séjours estivaux de plaisance et du thermalisme mondain, le tourisme de villégiature alors en plein essor, en séjournant, à plusieurs reprises, dans la commune de Roscoff.
Son manuscrit, qui vient enrichir les collections patrimoniales de la Bibliothèque Municipale de Brest, est intéressant et original tant dans sa forme que dans son contenu. Comment situer son propos dans le flot des témoignages autour de la si fameuse Bretagne devenue à cette époque bien touristique ?
La spécificité du document tient en premier lieu à l’originalité du regard posé sur la Bretagne : non pas celui du simple touriste, nous dit-on, mais celui de l’archéologue. Guignard de Butteville se veut un collecteur de données et de documents divers et place ses Notes recueillies sous le signe de l’enquête et du recueil ethnographiques.
Malgré la volonté affichée de faire œuvre d’historien, le manuscrit superpose les points de vue et le touriste n’est jamais bien loin, comme le montre le titre peu commode de la première partie : « Période celtique, romaine, religion, druides, sanctuaires, dolmens, menhirs, trouvailles, géographie, histoire ». De cette imbrication des points de vue, qui fait se mêler toutes sortes de discours (géographie, politique, histoire, linguistique, ethnologie), naît un mélange des genres qui situe les Notes de Guignard entre le récit de voyage et la notice ethnographique.
L’évocation poétique des paysages et des sites, de la ville de Roscoff et de ses habitants (les mystères des bardes de Bretagne, les miracles de St Pol rapportés prennent bien ici la forme du récit), la tonalité pittoresque qui anime la description des habitants ou du marin breton, inscrivent clairement ce manuscrit dans la tradition romantique du récit de voyage. Tout comme la place accordée à l’image et le collage de documents hétéroclites lui confèrent une certaine modernité et le rapprochent de la forme des « carnets de voyage ».
A suivre…
Ludovic Guignard de Butteville, Notes recueillies sur Roscoff pendant mon séjour dans cette ville, 1882-1884
Brest, Médiathèque François Mitterrand – Les Capucins, cote MS 163.
Marion Le Lay-Le Provost, Brest