Don Chérel (accroissement 2018)
Le don Chérel constitue un apport particulièrement riche pour les Archives de Rennes, tant par l’intérêt et la variété des documents que par les éléments de contexte.

Daniel Chérel, étudiant en première année en faculté d’histoire en 67-68, a eu le réflexe d’historien de conserver les traces des événements qui étaient en train de se produire et auxquels il participait. Il a décroché les affiches des murs de la faculté – affiches dont la plupart avaient été réalisées par les étudiants des Beaux-arts de Rennes. De plus, il a conservé les tracts et les journaux sur le Vietnam qui étaient distribués par des groupes gauchistes à la porte du restaurant universitaire de Villejean. Figurent également dans le fonds les notes produites par la faculté de Lettres et Sciences humaines sur le report des examens en septembre et en octobre 1968 du fait de l’impossibilité d’organiser les examens en juin.

En juillet 1968, une fois les événements apaisés et la place faite aux réformes, Daniel Chérel rédige un récit des événements. Comme il l’indique, « il s’agit d’un témoignage quasi à chaud, subjectif, peu rigoureux en ce qui concerne les événements, mais qui montre comment un jeune lycéen issu d’un milieu populaire devenant étudiant en histoire à la rentrée de septembre 1967 a vécu les événements à Rennes.
Le récit est mêlé d’éléments d’analyse, propre à l’intéressé, mais aussi liés à ce qui pouvait se dire dans les médias et par les intellectuels. Dans l’analyse, l’élément qui apparaît important est le lien à faire entre l’engagement chrétien (à la JEC [jeunesse étudiante chrétienne] en l’occurrence) et l’action politique (au PSU [parti socialiste unifié]) et révolutionnaire. »
Ce fonds comprend justement des documents qui expliquent l’engagement de Daniel Chérel à la JEC et au PSU : des comptes rendus de réunions internes du PSU, réunions de formation (notamment sur le lien entre socialisme et christianisme), et des textes provenant à la fois du parti communiste, des trotskistes des situationnistes et d’origine catholique. Ces éléments contextuels des événements constituent un témoignage intéressant des passerelles jetées entre christianisme et socialisme – trait caractéristique (mais pas propre) de la Bretagne dans les années 1960 – et du terreau des événements.
De plus, Daniel Chérel a accepté de confier un témoignage oral de ce qu’il a vécu : au contraire du témoignage écrit rédigé à chaud de juillet 1968, il posera un regard à 50 ans de distance sur ces événements. La comparaison de ces deux récits ne manquera pas d’intérêt !
L’échange avec Daniel Chérel confirme que les événements de mai 68 se sont déroulés de manière plus calme à Rennes que dans d’autres villes.
L’analyse récente de Christian Bougeard dans son livre Les années 68 en Bretagne, les mutations d’une société (1962-1981), abonde également dans ce sens.
C’est aussi l’avis du maire de Rennes, Henri Fréville, exprimé lors de la séance du conseil municipal du 24 juillet 1968, qui constitue l’un des rares témoignages dont nous disposons aux Archives de Rennes. Cette allocution figure ainsi dans le registre de délibérations de 1968 (1 D 204, délibération n° 68-220, sobrement intitulée « communication de M. Le Maire relativement aux événements de mai 68 »). Répondant à la polémique dont il dit avoir été l’objet durant la campagne des élections législatives de juin 1968 (un manque de présence à la tâche lors des événements), il livre sa vision des « événements ».
Henri Fréville indique que la ville « est demeurée […] l’une des plus calmes de France : les ordures ménagères y ont été régulièrement ramassées ; les services des pompes funèbres ont fonctionné ; le Centre hospitalier régional a travaillé sans répit et dans des conditions remarquables ; les services de l’état civil ont été ouverts ; le bureau d’aide social a accompli un effort considérable, en accord avec les autres organismes sociaux privés et publics ; des milliers de familles, d’enfants, de vieillards ont été secourus comme l’exigeaient la justice sociale et la solidarité humaine. Faut-il ajouter que la distribution de l’eau n’a jamais été interrompue ? » Le maire affirme par-là que la ville a pu garantir une continuité de service public dans son périmètre de compétences. Cela évoque une administration municipale en état de fonctionner. »
Marie Penlaé, Rennes, Archives municipales.